La farine blanchit ses doigts. Son corps se balance et son souffle avec. Les rondins de pommes-de-terre et de beurre prennent forme. Quand le résultat parait parfait et non plus, satisfaisant, il sectionne la pâte. Méticuleux, il a une règle dans les yeux. Un centimètre. Ni plus, ni moins.
Derrière, l'effluve acide d'une sauce tomate, la forte odeur du thym. Sous le feu, il l'entend doucement crépiter, bouillonner. Brusquement, il pivote, se saisit de la poignée du couvercle, soulève et, doucement, remue. Il enchaine, jète un coup d'œil à l'eau salé frémissante dans la casserole suivante puis, retourne à la confection de ses gnocchis. A l'aide d'une fourchette et de sa paume, il les ride. Un, deux, puis, trois, il n'en oublie aucun. Le timing est parfait. Il termine à peine le dernier que, dans son dos, l'eau se met à bouillir. Sans plus attendre, ses mains blanches rassemblent ses petites créations. Derechef, il se retourne. Mais sa rotation est compromise par quelque chose. Ses avant-bras rencontrent, percutent et renversent tout. Les gnocchis s'écrasent au sol dans un bruit qui ressemble à s'y méprendre à celui de la pluie.
- Oh ! Désolé ! s'écrie une voix contrite.
Il ne la regarde pas, rivé sur le désastre à ses pieds. Son sang ne fait qu'un tour. Sur ses reins, il dénoue furieusement le nœud de son tablier.
- Débrouille-toi pour finir.